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Bureau Rougemont
Fondé en 2012 par des commissaires-priseurs, le bureau du Groupe Rougemont fédère 22 maisons de vente de la France entière. Il délivre ou réceptionne des lots adjugés ou à vendre : 6000 acheteurs ont utilisé ses services en 2023.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2019 et 2023, les ventes aux enchères en ligne ont explosé, passant d’un chiffre d’affaires de 1,2 à 3,2 milliards d’euros. Rien que sur Drouot.com, les ventes en ligne ont augmenté de 19,8 % par rapport à 2022 et les adjudications digitales de 24,7 %. De son côté, Interencheres a terminé l'année 2023 avec un produit adjugé en ligne de 678 millions d'euros, en progression de 21% par rapport à 2022, et de 210% depuis 2019. Ce constat, s’il a maintes fois était fait, notamment en termes de captation de nouveaux enchérisseurs, de rajeunissement de la clientèle et de digitalisation de la profession, n’a pas donné lieu à de véritables analyses en termes de logistique de stockage et de livraison. Or, les ventes en ligne ont véritablement révolutionné le métier au quotidien de commissaire-priseur. Car si les lots se vendent vite et bien sur les plateformes d’enchères digitales, qu’en est-il du service après-vente ? C’est à cet endroit que les expériences sont diverses et que de réels défis sont apparus, obligeant les professionnels du marché de l’art à s’adapter rapidement.

Les ventes en ligne métamorphosent le métier

« Notre métier est aujourd’hui en pleine métamorphose. Nous faisons principalement de la gestion de stock. Notre petit métier artisanal est en train de devenir un grand métier qui s’industrialise » estime Léonard Pomez, associé-gérant du groupe Ivoire-France et commissaire-priseur chez Ivoire-Troyes. « Il faut se rendre compte qu’il y a à peine 5 ans, le jour d’une vente, 90 % des acheteurs repartaient avec leurs lots. Aujourd’hui c’est l’inverse, 10% des lots partent le jour même et 90% partent à distance. Il a fallu s’organiser et trouver des solutions de logistique car celle-ci est un enjeu central de l’expérience client ». Celui qui parle désormais d’un « parcours-client » à mettre en place et d’« amazonisation » de sa profession  a passé un partenariat avec le transporteur MBE Auction spécialisé dans la prise en charge d’objets de collection. « Beaucoup de nos clients imaginaient que nous faisions la livraison nous-mêmes or c’est faux. Car nous ne faisons pas de produits standardisés. On est un cas bien spécifique ». 

Difficultés et investissements nécessaires

A ce jour, sur 24% des maisons de vente indiquant rencontrer des difficultés liées à la vente en ligne, celles qui sont les plus signalées sont la problématique du stockage et du retrait des lots, ainsi que le temps consacré à l’expédition. A Troyes, Léonard Pomez, qui traite de gros volumes - 48 000 lots vendus en 2023 (500 lots par vente en moyenne) - a réfléchi à ces questions dès le déconfinement : « Le vrai problème qui se pose c’est le temps que la marchandise attende la livraison. Je me suis calé sur le modèle de Drouot où les objets vendus descendent au garde-meuble et son gardés gratuitement pendant 48h. Moi, je laisse 3 semaines aux acheteurs pour venir récupérer les lots. Après ce délai, que j’ai intégré dans les conditions de vente, je les fais rapatrier à Orléans, dans un garde-meuble ad hoc qui va ensuite les livrer aux acheteurs ». Il dit aussi avoir recruté trois manutentionnaires supplémentaires et envisage de se munir d’un système de gestion de stock avec scan et code-barre pour retrouver plus facilement ses articles dans ses locaux qu’il compte agrandir en investissant prochainement dans un lieu de stockage de 800 mètres carrés supplémentaires « indispensables pour les lots vendus mais non livrés, telle que la grande commode Louis XV qui prend de la place ! ». Car aujourd’hui même les lots de prestige se vendent à distance. « En amont des ventes, le travail est énorme. Il y a un an, nous avons embauché un graphiste et un photographe est à plein temps à l’étude pour multiplier les prises de vue » témoigne à son tour Elsa Gody, commissaire-priseur chez Ivoire-Chartres, soulignant que pour l’après-vente, il faut désormais agrandir les espaces de stockage et multiplier les services dédiés, notamment pour les demandes de devis. « Il faudrait que nous développions une comptabilité analytique afin d’estimer un juste prix pour les frais de stockage et d’expédition. On a aussi dû mettre en concurrence des sociétés d’emballage, notamment pour prendre en compte les solutions écologiques tout en gardant un coût bas. C’est presque de la vente par correspondance » abonde-t-elle. Mais si elle pointe les services à améliorer, elle cite aussi un bel exemple de réussite de mutualisation et de centralisation : celui de l’association de 23 maisons de ventes au sein du Groupe Rougemont (créé en 2012), dont elle est la co-gérante. « Au début c’était seulement un service premium, aujourd’hui c’est indispensable. On a même été obligé de mettre en place un système de facturation et de repenser nos conditions générales de vente et il faudra sans doute s’agrandir ». Dans ce local parisien, les lots de la France entière – les maisons de vente étant éparpillées sur le territoire - sont réceptionnés et gardés pendant un mois maximum gratuitement. 

Vers des solutions structurantes et innovantes

Si les principales problématiques restent le temps d’expédition, encore trop lent par rapport aux grandes plateformes de e-commerce, et l’instantanéité des devis incluant le coût du transport, des acteurs majeurs tendent à structurer et à moderniser le marché des enchères. Un des plus importants est The Packengers, créée en 2020, filiale du groupe ESI, spécialisé dans le transport et le déménagement haut de gamme. « On est bon là où il y a un objet qui n’est pas emballé de manière industrielle » explique son PDG Amaury Chaumet qui a senti le marché des enchères s’ouvrir pour son activité au moment du Covid-19. Une vraie manne puisqu’il a réalisé plus de 300 000 opérations en 2023, entraînant l’ouverture de 4 hubs logistiques en région en novembre 2023 (Laval, Toulouse, Marseille, Lyon) et la construction prochaine d’un méga-hub de 15000 m2 entièrement automatisé à Puisieux-en-France (Val d’Oise), en plus de celui existant à Saint-Denis, afin de diviser par deux les délais de livraison et de s’approcher des performances des plateformes de e-commerce. Partenaire privilégié de Drouot.com et Interencheres, The Packengers a intégré un système de devis instantané disponible en un clic sur ces plateformes et vient de lancer une reconnaissance d’un objet grâce à l’intelligence artificielle permettant de prédire ses dimensions et son volume afin d’optimiser un prix d’emballage et de transport. Une success story française qui vient de séduire les deux géants américains des enchères online LiveAuctioneers et Invaluable.com, alors que la société estime à 1 million le nombre de ses opérations en 2026. Une croissance exponentielle ! « L’idée est de massifier et d’industrialiser les process pour transformer ces métiers et les adapter au e-commerce » conclut le PDG. Ainsi, une réflexion approfondie sur la logistique des ventes aux enchères en ligne est aujourd’hui au cœur du métier de commissaire-priseur si celui-ci veut garder sa pérennité, sa compétitivité et sa qualité, à savoir rester un garant de l’objet d’exception tout en faisant le grand saut de l’industrialisation, sans perdre son âme.

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Par : Julie Chaizemartin - Focus extrait du Bilan des enchères 2023 édité par Beaux-arts et le CVV.

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