
Interview d’Édouard de Lamaze, président du Conseil des maisons de vente
Édouard de Lamaze, défenseur des commissaires-priseurs
Il y a un peu plus d’un an, cet avocat et homme politique était nommé président du Conseil des maisons de vente à la suite de Nicole Belloubet. Bilan et perspectives d’une institution en pleine mutation.
Sur une période relativement courte, vous avez notablement bouleversé l’autorité de régulation des ventes aux enchères publiques…
Ce « bouleversement » était nécessaire. En 2018, Nicole Belloubet (alors garde des Sceaux, ndlr) nous avait commandé, à Henriette Chaubon et moi-même, un rapport sur l’avenir de la profession d’opérateur de ventes volontaires. Il en ressortait que le Conseil était inconnu du public, rejeté par les professionnels, parce que considéré comme ne servant à rien, et de surcroît coûtant cher. Quand je suis arrivé à sa tête, au printemps 2024, j’ai donc décidé d’un plan en trois points : tout d’abord rendre le Conseil des maisons de vente aux commissaires-priseurs, ensuite qu’il leur soit utile, et enfin qu’il serve au développement de la profession. Pour le premier point, j’ai été aidé par la loi : les commissaires-priseurs sont désormais majoritaires au sein du Conseil, d’autant plus qu’à la demande de Nicole Belloubet, les suppléants siègent également : c’est donc la profession qui délibère. Il est important que les commissaires-priseurs le perçoivent. Si j’ai été nommé par le ministre de la Justice, c’est le Collège, composé de membres majoritairement professionnels qui est l’organe délibérant, et mon rôle est de traduire ses décisions en actes à travers le Conseil des maisons de vente. Je suis au service de la profession.
Quel a été votre chantier prioritaire ?
Je considère que la formation est fondamentale. J’ai délégué ma vice-présidente, Henriette Chaubon, sur ce sujet, et nous avons nommé un directeur, Ludovic Bussetti. Elle se décline en une formation initiale et une formation continue, nouveauté de la loi de 2022, qui est très importante pour faciliter l’adaptation des professionnels aux pratiques et réglementations nouvelles. Je veux que le Conseil tende vers une formation d’excellence, destinée aussi bien à la cinquantaine de jeunes élèves commissaires-priseurs qu’à la dizaine de commissaires de justice que nous formons annuellement. Je souhaite également que nous ayons des rapports très francs avec les notaires, que nous les fassions intervenir dans notre formation et que nous intervenions dans les leurs afin de consolider notre partenariat avec eux. Une formation, ce n’est jamais exclusif, c’est un melting-pot, et elle doit donc être ouverte à d’autres professions. S’agissant de la formation professionnelle continue qu’il a fallu créer ex nihilo, nous avons mis en place, en un an, des modules d’enseignement, qui sont le fruit d’une délibération du Collège à travers lequel la profession a ainsi élaboré son programme. Nous avons, par exemple, aussi bien créé un module de formation sur les bijoux, qu’un autre sur le matériel industriel, un secteur qui compte en France. Enfin, je voudrais aboutir à la création d’un Institut afin d’obtenir des subventions et de nouer des accords avec l’École du Louvre, les écoles de commerce et les universités, Dauphine notamment. Les jeunes doivent repartir avec un diplôme d’excellence reconnu en France comme à l’étranger.
Quel type d’aide allez-vous apporter aux professionnels ?
Il est impossible d’ignorer que l’un des enjeux, aujourd’hui, est celui de la lutte contre le blanchiment, qui est une charge considérable mise sur le dos des professionnels. En termes de provenance et de blanchiment d’argent, la réglementation européenne a donné aux commissaires-priseurs des responsabilités avant de leur donner les moyens. Notre parti pris est simple : fournir les moyens, pas seulement rappeler les obligations. Aussi, c’est à moi de donner ou de réclamer les moyens pour que les professionnels puissent assumer leur responsabilité pleine et entière en connaissance de cause, et que cela puisse fonctionner. S’agissant du livre de police électronique, le CMV s’implique dans sa mise en place et outille les maisons pour un déploiement conforme. Plutôt que d’aller me plaindre auprès des autorités, j’ai choisi d’être présent au niveau européen qui est la source de l’essentiel de la réglementation. Après avoir été Délégué interministériel aux professions libérales, j’ai été conseiller économique et social européen durant cinq ans et je peux vous dire que toutes les professions sont présentes toute la journée dans les commissions pour faire reconnaître leurs spécificités nationales. Or, en vingt-cinq ans d’existence, jamais le CMV n’a eu de responsable à Bruxelles. Or oui, la France a une autorité de contrôle en matière de vente aux enchères ! Ce qui n’est pas le cas en Italie par exemple. Donner à la profession la place qu’elle mérite, cela veut dire qu’elle puisse s’exprimer à Bruxelles, et pour cela j’ai fait venir Sandra Viard, qui a été ma suppléante au Conseil économique et social européen. C’est désormais effectif : la profession dispose d’une présence structurée à Bruxelles. Nous avons ainsi établi avec Vincent Pestel-Debord, commissaire-priseur et secrétaire du Collège, un guide anti-blanchiment en concertation avec les douanes, Tracfin et les ministères, qui constitue le vade-mecum de la profession. Mon rôle est de donner à cette dernière les bons outils. Il en est de même pour la provenance et là, la formation va jouer un rôle essentiel. Les professionnels, qui ont toutes les raisons de se plaindre parce qu’ils n’ont pas les bons outils, doivent demander au CMV de les aider à passer ce cap, et en développant cette spécialité de provenance, en faire un atout pour la profession et une valorisation pour le diplôme. Pourquoi ne pas imaginer de futurs commissaires-priseurs experts de la recherche de provenance dans certaines spécialités, auxquels leurs confrères pourraient recourir ?
Qu’avez-vous entrepris pour faire taire les critiques, notamment concernant le coût du Conseil ?
Cette institution est financée par les professionnels. Il faut le rappeler. Aussi, j’ai pris des décisions drastiques, en diminuant la masse salariale, les charges et le loyer. Le fait de passer de l’avenue de l’Opéra à la rue Lafayette, où nous venons d’emménager, a ainsi permis de diviser le loyer par trois et de nous rapprocher de Drouot. De plus, pour que le Conseil soit apprécié et reconnu, il ne faut pas qu’il soit perçu comme un organe de sanction. Dans les missions données par la loi de 2022 pour cet organe de régulation figure, de façon novatrice, le soutien aux professionnels. Cette mission est fondamentale. Mon rôle n’est pas d’être un gendarme, mais d’accompagner les professionnels et leur donner les outils pour éviter qu’ils soient sanctionnés. Le CMV est un accélérateur de conformité. La loi de 2022 a institué une commission des sanctions totalement indépendante du collège, ainsi que nous l’avions demandé pour respecter les principes du droit européen, et cette séparation me donne en fait une grande liberté. En tant que président du CMV, je peux, à titre conservatoire et en cas d’urgence, suspendre une maison de vente qui ne remplirait plus les conditions d’exercice ou une vente manifestement contraire à la loi et susceptible d’être critiquée par la Commission des sanctions. Je peux saisir le commissaire du gouvernement, autorité de poursuite, qui, lui, peut agir tant auprès de la commission des sanctions qu’auprès du procureur de la République.
Une partie des membres du Collège du CMV en séance : Pascale Bugat, Henriette Chaudon, vice-présidente, Jannic Durand, Édouard de Lamaze, président, Clarisse Mazoyer et David Nordmann.
Vous utilisez le terme de commissaire-priseur plutôt que celui d’opérateur de ventes volontaires ?
Et à dessein car le 1er juillet 2026, nous allons enfin retrouver le titre de commissaire-priseur et enterrer ainsi tant le dédoublement entre les commissaires-priseurs volontaires et judiciaires que le nom barbare d’opérateur de ventes volontaires remplacé par la dénomination de maison de vente. Cela aura l’avantage de clarifier les choses, notamment pour le public. Le commissaire-priseur est le professionnel indispensable pour les ventes volontaires, pour les successions, pour les inventaires, pour les régimes de tutelle, pour les ventes sécurisées, qu’elles soient en ligne ou en présentiel. Il n’est plus officier public et ministériel, ce qu’est le commissaire de justice (issu de la fusion entre huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires). On ne peut pas confondre, pour reprendre la terminologie européenne, ces deux activités. La preuve, le commissaire de justice ne peut pas, s’il n’a pas été formé par nous, diriger une vente aux enchères publiques volontaire. Vous le voyez, on en revient toujours à cette question de la formation qui est cruciale et qui justifie l’importance de l’engagement que lui consacre le Conseil. Le renforcement et la pérennisation du rôle du commissaire-priseur, qui passera également par la reconnaissance de spécialités, sont à ce prix. D’ici au 1er juillet 2026, notre cap est clair : lisibilité des titres, standard de conformité élevé, excellence de la formation.